BBC Symphony Orchestra, Eva Ollikainen, Nicolas Hodges

Vendredi 24 mars ı 20:00
Auditorium Rainier III
20H – Concert – Auditorium Rainier III
<p>Nicolas Hodges, piano<br />
BBC Symphony Orchestra<br />
Eva Ollikainen, direction</p>
<p>Nicolas Hodges, piano<br />
BBC Symphony Orchestra<br />
Eva Ollikainen, direction</p>
1h40 avec entracte

Nicolas Hodges, piano
BBC Symphony Orchestra
Eva Ollikainen, direction

Samuel Barber (1910-1981)
Symphonie no 1, op. 9
(en un mouvement)

Betsy Jolas (1926-)
bTunes, pour piano et orchestre
(commande de la BBC et de Radio France)

Jean Sibelius (1865-1957)
En saga, op. 9
Symphonie no 7 en ut majeur, op. 105
(en un mouvement)

Invités exceptionnels de cette édition 2023, le BBC Symphony Orchestra et la cheffe Eva Ollikainen associent la Première Symphonie de Samuel Barber à son modèle, la Septième Symphonie de Jean Sibelius. En soliste au piano, Nicolas Hodges interprète une suite de Betsy Jolas aux allures de rétrospective.

Tarifs concert
CAT.1 :
40
CAT.2 :
30
13/25 ans :
10
-13 ans :
Gratuit*
*Entrée libre sur réservation

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De manière générale, le tarif de nuit est applicable à partir de 19h : 0,20€ par tranche de 15 minutes*

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* Sous réserve de modifications

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Sagas symphoniques

Une verve épique anime la Symphonie n° 1 op. 9 de Samuel Barber. Né aux États-Unis, le musicien étudie à l’Académie américaine de Rome lorsqu’il l’élabore en 1936. L’esthétique romantique n’est plus vraiment d’actualité mais, comme Sibelius et tant d’autres, Barber réinvestit le pathos du siècle précédent. Il torture quelque peu la tonalité et reconfigure la forme symphonique. Ces modernismes relatifs suffisent à diviser le public italien, partagé entre enthousiasme et répulsion lors de la création du 13 décembre 1936.

 

La Symphonie no 1 possède pourtant d’indéniables qualités. Sa principale originalité réside dans son organisation structurelle : conçue en un unique mouvement comme la Symphonie no 7 de Sibelius que Barber avait analysée de près, elle renoue avec le modèle traditionnel par un découpage interne en quatre sections. Surtout, les trois thèmes présentés dans l’Allegro ma non troppo initial innervent respectivement les trois sections suivantes. Le premier devient ainsi un motif malicieux que s’échangent les solistes ; un hautbois contemplatif transfigure le deuxième ; le troisième enfin prend les traits d’une passacaille, répétée inlassablement aux cordes graves. Pour conclure avec maestria, Barber greffe à cette passacaille les deux thèmes précédents, dans une profusion mélodique aux éclats héroïques.

Compositrice inclassable, Betsy Jolas fait preuve d’une créativité intarissable. Par sa double nationalité, elle dressait déjà un pont entre la France et les États-Unis ; à l’âge de 96 ans, elle en dresse un autre à travers le temps. Au cours du dernier siècle, Jolas a côtoyé d’innombrables artistes et se considère comme le témoin bien vivant d’une riche histoire musicale. Ses souvenirs, passés au filtre de son inspiration, forment la matière de bTunes, œuvre tout juste créée à Londres.

 

Le titre suggestif se réfère au logiciel iTunes. Avec le « b » de « Betsy », la « playlist » devient celle de la musicienne. Elle y réunit « une collection de courtes pièces écrites au fil des ans pour divers pianistes, y compris Nicolas Hodges », créateur de l’œuvre et soliste du jour. Au modèle du concerto pour piano, bTunes agence celui de la suite. Une « suite moderne » où la brièveté des mouvements provient d’un constat de Jolas : « Ces dernières années, l’attention de la plupart des gens à la musique a considérablement diminué, couvrant à peine une dizaine de secondes. » L’agencement composite, inspiré d’une « playlist », découle de cette nouvelle pratique d’écoute et inscrit ainsi la pièce au cœur de notre contemporanéité.

Jean Sibelius hérite comme Barber des formes et moyens d’expression romantiques, qu’il personnifie en s’inspirant de son pays natal, la Finlande. Les vastes paysages se reflètent dans l’ampleur des proportions et surtout, les épopées légendaires alimentent l’imaginaire de l’artiste. Ces éléments perdurent tout au long de la carrière de Sibelius et confèrent à son catalogue une singulière homogénéité. Démonstration ce soir, avec deux compositions issues des périodes extrêmes de sa production.

 

En Saga constitue la deuxième des œuvres symphoniques de Sibelius. Composée à la demande du chef d’orchestre Robert Kajanus, elle est rejetée par certains musiciens, qui la jugent trop alambiquée. Le directeur de l’orchestre doit leur imposer la pièce, avant qu’elle n’intègre durablement le répertoire dans sa version remaniée de 1901. Au moment de la composition, en 1892, l’élan créateur de Sibelius est stimulé par ses premiers succès publics. Il voyage beaucoup, sillonne son pays pour collecter des chants traditionnels, épouse Aino Järnefelt. Autant de péripéties rythment la partition d’En Saga. À chaque page, la dimension dramaturgique apparaît latente, que ce soit dans la menace des cordes au début de la pièce ou dans les gerbes tempêtueuses du tutti, que ce soit par la monotonie du solo d’alto, les sonneries sévères des cuivres ou la nostalgie funeste de la clarinette en conclusion. Tous les ingrédients d’un mythe finlandais semblent représentés et cependant, le compositeur affirme n’avoir pas suivi de programme littéraire. Les thèmes charrient dès lors une narrativité non contrainte ; aux auditeurs de les charger de sens si l’envie leur en prend.

 

La musique de Sibelius ne s’est jamais départie de cette dramaturgie. Sa Symphonie n° 7 en ut majeur op. 105 demeure très imagée. Et pour cause : quelques-uns des motifs proviennent de projets délaissés, comme le poème symphonique Kuutar, qui devait s’inspirer d’une épopée finlandaise. Les esquisses les plus anciennes remontent à 1914, même si l’écriture s’échelonne jusqu’en 1924. Passé cette date, Sibelius amorce une longue période de silence : trente-trois ans avant sa mort, la Symphonie n° 7 constitue l’une de ses dernières pièces orchestrales. Elle est également considérée comme l’aboutissement de son style symphonique : son unique mouvement témoigne d’une subtile organicité, qui inspirera Barber pour sa Symphonie no 1 quelques années plus tard. Les mélodies enflent et se résorbent, constamment tendues vers un horizon indécelable. Le temps paraît s’élargir, le lyrisme se perd dans l’infini, à la manière des immémoriales sagas nordiques.

 

Louise Boisselier

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